samedi 20 février 2010

This is England : Hooligans et extrême droite, une proximité ou un mythe ? (Vol I)



En 2009, il y a eu un nombre croissant de hooligans impliqués dans des manifestations « anti-islamique » organisées un peu partout en Angleterre par l’extrême droite Britannique…

À Luton, Birmingham, Londres (East London), Manchester  les manifestations de protestations ont redoublé d’intensité ces derniers temps avec à chaque fois un certain nombre de hooligans venus renforcer les « troupes » de ces organisations anglaises qui désormais fondent leur discours nationaliste et xénophobe sur la lutte contre ce qu’ils appellent  l’islamisation…

Stop à l'islamisation de l'Europe, Ligue de défense anglaise et galloise (the Welsh Defence League/WDL), Casuals United, ces organisations aux noms souvent évocateurs, sont particulièrement actives. Créée en Juin 2009, la Ligue de défense anglaise (English Defence League/EDL) est déjà à l'origine d'une dizaine de manifestations à Birmingham, Londres, Manchester, Luton, Leeds, Wrexham ou encore Swansea, contre «l'extrémisme et le terrorisme islamique»…

Lors de chaque mobilisation, au sein de chacune de ces associations, les médias Britanniques mettent en exergue les relations entre certains groupes de hooligans et les partis d'extrême droite.

Certains commentateurs ont présenté ces rassemblements comme des meetings fascistes ce qui est inexact et se méprend sur la relation entre les groupes (firms) hooligans, le nationalisme et le fascisme…

S’il existe un certain nombre d'organisations actuellement actives qui dérivent du « milieu hooligan » telles que « The English Defence League », « Casuals United », « March for England » ou « SIOE » et que sans aucun doute des hooligans connus de la police ont participé à ces manifestations cela s’explique plus par leur mentalité nationaliste voire racistes que par une réelle connotation politique et fascisante.

Et cela même si des hooligans actifs comme Matt Unsworth et Davy Cooling des MIGs de Luton Town sont des activistes déclarés de l’English Defence League. Casuals United est organisée autour de plusieurs hooligans des équipes de football britanniques. Son leader, Jeff Marsh, également cofondateur de la Ligue de défense galloise, est une des grandes figures du hooliganisme de Cardiff. Il a été emprisonné à trois reprises pour violence et a écopé d'une peine de deux ans de prison pour avoir poignardé deux fans de l'équipe de Manchester United.

Historiquement, la droite fasciste britannique a eu sa plus forte influence sur la scène « hooligans » lors de la deuxième moitié des années 1970. Le racisme dans les « terraces » fait « référence  collective » et la dérive politique du mouvement skinhead ont donné à toute une génération de « jeunes anglais » une culture et une identité commune de violence racistes et politiques…

Le chef de la barra brava de Central détenu pour tentative d’assassinat…


« Pillín » Bracamonte, le chef de la barra brava de Rosario Central vient d’être inculpé de tentative d’assassinat…

Selon les éléments du dossier, Andrés Pillín Bracamonte (38 ans) aurait tiré sur le fils d’un autre membre de la barra de Central. C’est ce qui est en tout cas avancé par le Juge d’instruction qui accuse Bracamonte d’avoir cherché à abattre Mauro Molaro, un jeune de 21 ans, du quartier de Ludueña. Mauro est le fils de Elvio Omar Cato Molaro, ancien référent auriazul de ce barrio (quartier).

Bracamonte a été interpellé alors qu’il se présentait au Tribunal comme simple témoin dans une enquête sur des incidents impliquant la Barra pour des lancers de fumigènes lors d’Argentine - Brésil, match qualificatif pour la Coupe du Monde 2010 qui s’était déroulé à la demande de Diego Maradona sur la pelouse du Gigante de Arroyito.

C’est la mère de Mauro et épouse de Cato Molaro qui a publiquement accusé Pillín d’avoir voulu tuer son fils. Tentative d’assassinat qui viendrait en représailles du meurtre d’Aldo José Tejeda.

Cato Molaro est détenu depuis le 22 Novembre dernier, quand lors du dernier clásico joué au parque Independencia, il a été inculpé de coups et blessures sur Aldo Jose Tejeda, un barrabrava lié à Pillin, qui décédera un mois plus tard. Jusqu'au premier semestre 2009, Cato Molaro avait un rôle important au sein de la barra brava Canaya, mais, en août des tensions ont éclaté en interne de la barra et Molaro s’est opposé à Pillín avant que cela ne dégénère comme d’habitude en règlement de compte…

L’avocat de Pillín a déclaré que son client était innocent, qu’il n’avait pas participé à cette attaque, indiquant par ailleurs qu’une autre personne se serait présentée spontanément devant un juge pour reconnaître être l’auteur des tirs…

La situation des barras bravas des deux clubs de Rosario (Central et Newell’s Old Boys) est décidément bien complexe en ce moment puisque cette interpellation fait suite à celle, la semaine dernière, de Diego "el Panadero" Ochoa l’actuel chef de la barra de Newell’s en possession d’une arme à feu, tandis que l’ancien chef de la barra « leprosa » Roberto Pimpi Camino est lui accusé d’être l’instigateur de l’attaque contre un bus de hinchas de Newell’s qui a coûté la vie à un jeune garcon de 14 ans…

jeudi 18 février 2010

Southampton Vs Portsmouth : Affrontements & condamnations...


Huit supporters viennent de comparaître devant le Tribunal de Southampton à la suite des violences qui ont eu lieu avant et après le match de FA Cup qui opposait en fin de semaine dernière Southampton à Portsmouth (1-4) dans un derby du sud qui s’annonçait (très) tendu en tribunes…

Bien avant le début du match, des affrontements ont eu lieu en ville entre groupes de hooligans des « Saints » et de « Pompey » et avec la Police  qui avait mobilisé 250 agents dont la police montée. Des briques, des bouteilles et des chaises ont été jetées par les supporters de l'extérieur du St Mary's stadium…

11 arrestations ont été effectuées lors de ces violences et la Police a annoncé continuer son enquête via les vidéos de surveillance présentes en centre ville.

Sur les huit personne présentées au juge, quatre ont reçu une amende et une interdiction de stade de trois ans. Elles devront également remettre leur passeport si leur équipe ou l'Angleterre jouent à l'étranger. Deux autres ont été aussi condamnés à des amendes,sans IDS, mais le procureur a fait appel en ce qui concerne ce dernier point. Les deux autres accusés ont plaidé non coupable aux infractions à l'ordre public et  leurs procès se tiendra plus tard dans l’année.

Concernant trois autres supporters qui ont été arrêtés, un a été averti pour avoir été arrêté ivre à proximité du stade et les deux autres ont été libérés sous caution en attendant une enquête complémentaire de la police.

Après le match, d’autres incidents ont eu lieu sur Britannia Road où les supporters se sont provoqués et ont jetés de nombreux projectiles, causant des dégâts matériels…Les supporters des Saints ont également essayé de démolir les barrières de protections qui les séparaient de leurs homologues de Portsmouth et la police à cheval a dû repousser les « locaux » loin de la zone tandis que d’autres policiers se sont positionnés entre la barrière et les fans de Pompey.

Précédemment, les dernières rencontres entre ces deux clubs avaient également donné lieu à des affrontements. Plus de 90 arrestations avaient ainsi été effectuées à Fratton Park en 2004…

Plus de 4000 fans de Portsmouth s’étaient déplacés pour ce match, arrivés via des trains spéciaux et placés sous escorte policière entre la gare et le stade.

mercredi 17 février 2010

Newell's : Une enquête qui stagne, une juge menacée et le chef de la barra interpellé avec une arme…


Alors que tout le monde s’accorde à désigner le commanditaire et les coupables de l’embuscade contre un bus de la barra de Newell’s qui a coûté la vie à Walter Cáceres, un garçon de 14 ans, l’enquête semble étonnamment stagner…

La raison est aussi simple que surprenante, aucun juge n’est actuellement en charge de l’affaire !

En effet, Roxana Bernardelli, la juge d’instruction qui depuis la constitution des faits était en charge de la procédure a dû se décharger de l’affaire pour la transmettre à une autre magistrate Raquel Cosgaya qui avait ouvert une affaire antérieure contre le principal accusé impliqué dans l’attaque contre l’autobus des « leprosos »...

Toutefois, la juge Cosgaya avait été dispensée de traiter les affaires relatives au club du « parque Independencia » après avoir été avisée par la Police que l'ancien chef de la barra rojinegra, Roberto Pimpi Camino avait menacé de la tuer.

La chambre criminelle devra donc rapidement décider quel magistrat poursuivra l'instruction lancée par la juge Bernardelli, qui comportait trois aspects distincts. L'un pour l'attaque elle-même l’environnement de la barra et l'assassinat de Walter Cáceres. L'autre pour la possession des armes de guerre détenues par les quatre personnes interpellées et un troisième sur des violences conjugales évoquées par la jeune épouse du principal accusé dans l’attaque du bus, Carlos Fernando « Chino » Fleitas

Parallèlement, préalablement au match qui devait opposer Newell's à Argentinos, la Police Fédérale a interpellé Diego "el Panadero" Ochoa l’actuel chef de la barra « leprosa » en possession d’une arme à feu…

La police a intercepté lors d’un contrôle inopiné une des voitures qui accompagnaient les bus de la hinchada de Newell's dans laquelle se trouvait Ochoa. C’est d’ailleurs le chef de la Barra qui a lui-même indiqué aux policiers qu’il avait un revolver (non chargé) dans le coffre à gants. Ochoa a ensuite été emmené au poste de police de Ciudadela où il a été vérifié qu’il avait bien une licence pour cette arme.

Selon certaines rumeurs qui circulent à Rosario, il se dit qu'après l’attaque menée par la fraction de la barra liée à Pimpi après le match contre Huracán, la vengeance est latente et la peur de nouveaux affrontements aussi…

mardi 16 février 2010

L’Europe veut comprendre les Ultras…


Des représentants de supporters de toute l’Europe, y compris des associations de supporters et des groupes ultras, invités par le réseau Football Supporters Europe (FSE), ainsi que des responsables de la police et de la sécurité dans les stades et des représentants des gouvernements seront réunis, pour la première fois au niveau international, pour engager un dialogue, destiné à améliorer la compréhension mutuelle et prévenir les incidents, y compris violents, lors des rencontres de football.

Mieux comprendre le phénomène ultra, améliorer la communication et solutionner les problèmes entre supporters, instances sportives et policiers, prévenir les débordements dans les stades et en dehors de leur enceinte et valoriser le rôle des supporters dans le monde du football – c’est l’objectif poursuivi par cette conférence. Des universitaires, des chercheurs et des travailleurs sociaux apporteront leur éclairage sur ces différentes questions.

Qui sont les ultras ? Comment se définit la « mentalité ultra » ? En quoi leur comportement se distingue-t-il de celui des autres supporters ? Pourquoi le mouvement véhicule-t-il une image négative ? Influence-t-elle la manière dont la police gère les ultras ? Les mesures prises sont-elles adéquates ou au contraire source de problèmes ? Une étude du Conseil de l’Europe (*), menée à l’échelle européenne jusque dans les coulisses du mouvement ultra, vient d’être publiée et apporte certains éléments de réponse.

La conférence est organisée dans le cadre du suivi de la mise en œuvre de la Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football (1985). La Convention a été élaborée au lendemain du drame du stade du Heysel et est aujourd’hui une référence dans la préparation, y compris mondiale, des championnats de football.

Les discussions contribueront à l’élaboration par le Conseil de l’Europe d’une Recommandation sur les Ultras destinée à améliorer le dialogue et la coopération entre les différents acteurs.

Une conférence de presse sera donnée mercredi 17 février à 10h30 par Maria Fekter, Ministre fédérale de l’Intérieur, et Ralf-René Weingärtner, Directeur de la Jeunesse et du Sport du Conseil de l’Europe.

Communiqué du Conseil de l’Europe (avec le soutien de l’UEFA)

Initiative étonnante, dans un contexte plutôt (très) enclin à la répression, que de voir une institution Européenne organiser une rencontre avec des groupes de supporters des 47 pays membres de l'Union….

Initiative qui pourrait être intéressante, mais qui pourrait aussi être contre-productive pour peu que les vraies problématiques ne soient pas abordées… Du côté français, les représentants d’un seul club ont été invités, ceux de l’OM...

Etonnant objectivement de ne pas voir (aussi) des représentants des groupes ultras d’autres clubs français…

Étrange aussi, l’absence totale (à confirmer) des groupes ultras Italiens…

Bref, avant même son début, cette initiative soulève quelques interrogations…

lundi 15 février 2010

Anderlecht : 29 membres du Brussels Casual Service condamnés

29 membres du Brussels Casual Service (BCS), également connu sous l'appellation O-side, le noyau radical des supporters du RSC Anderlecht ont été condamnés aujourd’hui par le tribunal correctionnel de Bruxelles.pour un raid effectué le 5 octobre 2003 contre une taverne de Diegem, où était établi un club de supporters du FC Bruges.

La justice reprochait en outre à plusieurs prévenus d’avoir effectué des saluts hitlériens en plein match…

Le raid sur la taverne Milde, qui abrite le club de supporters Bruges Forever, avait eu lieu après un match disputé entre les Mauves et Blancs et le Club Bruges au Parc Astrid. Les deux équipes s'étaient quittées dos-à-dos (1-1).

Peu après minuit, les membres du BCS s'étaient rassemblés à Alost avant de mettre rapidement le cap sur Diegem. Arrivés sur place, ils s'étaient introduits dans le café et avaient saccagé l'intérieur, détruisant des fenêtres et dérobant le contenu de la caisse, soit quelque 1.300 euros.

Quatre mois plus tard, la justice bruxelloise interpellait 37 suspects, Certains ont été identifiés sur base de leur plaque d'immatriculation car ils avaient été flashés sur le trajet entre Alost et Diege.. Douze hooligans avaient été placés en détention préventive…

Au cours de l'enquête, du matériel pouvant prouver une sympathie envers l'extrême droite a été retrouvé chez différents hooligans. Des images avaient en outre été prises montrant certains d'entre eux en train d'effectuer le salut hitlérien dans les tribunes du stade.

Le tribunal a estimé que le délai raisonnable était dépassé et a rendu un verdict relativement clément. Neuf hooligans ont écopé d'une simple déclaration de culpabilité, vingt autres de peines de prison allant de 10 à 24 mois avec sursis…

Rome : Une campagne électorale qui pourrait se jouer dans les Curve de l’Olimpico...



L’Italie est certainement le pays qui offre historiquement le plus de proximité entre le monde politique et le monde ultra’. 


De tout temps les tifoseria ont ostensiblement affiché leurs tendances politiques, certaines ayant même marqué une évolution significative comme notamment celle de la Roma. 


Toujours dans la Capitale, du côté de la Lazio cette fois, c’est la prise de pouvoir des Irriducibili dans les années 80 qui entraînera la Curva Nord vers l’extrême droite et bien au-delà parfois…

Si les groupes ultras ont donc souvent affiché leur tendance politique et soutenu ouvertement certaines thèses, il est plus rare que des ultras s’engagent en politique à titre individuel

C’est pourtant ce que vient de faire Guido Zappavigna, un ex ultrà fasciste, ancien capo des BOYS de la Roma, fondateur avec Mario Corsi  du comité  "Calcio e Società" ancien membre des Nuclei Armati Rivoluzionari (NAR) et impliqué (comme Corsi) dans l'enquête sur les l'assassinats de Fausto Tinelli e Lorenzo "Iaio" Iannucci (deux jeunes de 18 ans abattu à Milan en 1978 et dont les meurtres seront revendiqués par des néofascistes Romains) qui vient de rejoindre les listes de Renata Polverini pour les élections régionales du Latium.

Les BOYS ont été fondés en 1972 par Antonio Bongi et le groupe était déjà composé à cette époque de tifosi unis par l'amour de Rome et des idéaux politiques d’extrême droite. En 1977, les Boys se regroupèrent avec les Fedayn, Pantere et Fossa dei Lupi pour fonder le mythique Commando Ultrà Curva Sud

Avec la candidature de Zappavigna qui était déjà conseiller municipal sous les couleurs d’Alleanza Nazionale, « la Polverini » recherche avant tout à conquérir les votes de la Curva Sud du Stade Olympique…

Mais en fait, ce sont les votes des ultras des deux clubs Romains qui sont visés par la candidate « d’Il Popolo della Libertà » (PdL), le parti de Silvio Berlusconi…

Pourtant du côté de la Lazio, les ultras reprochent à Polverini d'être trop proche du Président Lotito et menacent de ne pas soutenir sa candidature.

Pire, une menace de boycottage a même été lancée du fait de la presence sur sa liste de Francesco Storace (un politicien romain, tifosi déclaré de la Roma) Pour pallier à cette « problématique », Polverini a essayé d’attirer sur ses listes Cristiano Sandri (le frère de Gabriele Sandri, le tifosi de la Lazio tué en 2007) pour se ménager les votes biancocelesti…Il n’a pour l’instant pas confirmé sa présence

Au final et même avec le risque de mécontenter (encore une fois) les tifosi laziali, Polverini a décidé d'ajouter sur la liste, un des ultras giallorosso (historiquement) les plus représentatifs, Zappavigna…

dimanche 14 février 2010

This is England – La genèse…(Vol VI)


L’épisode 5 restait sur la victoire en Cup 1901 des Spurs de Tottenham. Mais si Tottenham ne méritait guère le titre de "porte-drapeau du Sud", Arsenal, en revanche, faisait un "Sudiste" nettement plus présentable.

Fondé en 1886 par un Ecossais du nom de David Danskin, qui était employé à l’Arsenal de Woolwich, le club s’était d’abord appelé "Dial Square". Rapidement, toutefois, le nom originel fut abandonné, au profit, dans une premier temps de "Royal Arsenal", puis de "Woolwich Arsenal", puis de "The Arsenal", avant de devenir tout simplement, "Arsenal".

Adoptant le professionnalisme dès 1891, Arsenal s’était vite rendu compte que l’opposition à Londres et dans le Sud du pays n’était pas suffisamment relevée pour permettre à l’équipe de progresser, et de plus en plus, les Londoniens allèrent chercher dans le Nord des adversaires à leur pointure. De sorte qu’en 1893, ils obtenaient le droit d’entrer dans la "Football League", en tant que sociétaires de la deuxième Division. Arsenal allait y rester onze ans, obtenant sa première promotion en 1904-1905, mais en 1913, sans avoir jamais réussi rien de probant, les Londoniens étaient relégués en Division 2. Paradoxalement, de cette rélégation allait naître la base de leurs succès futurs, sous l’impulsion d’un homme, principalement : Henry Norris.

Norris, qui était alors Président du club de Fulham, avait proposé ses services à Arsneal, suggérant dans un premier temps que le club déménage du sud de Londres, où il était installé, vers le Nord, où Norris lui offrait le stade de Highbury. Le club accepta, au grand dam de Tottenham, qui jugeait d’un très mauvais oeil l’arrivée d’un voisin indésirable parce que dangereux, estimait-il. Et dès la fin de la guerre, les faits allaient lui donner raison : Arsenal retrouvait immédiatement sa place parmi l’élite, et n’allait pas tarder à y connaître une époque dorée. Avec Arsenal, deux clubs londoniens se retrouvaient parmi les anciens pensionnaires de Division 1 de la Football league : Tottenham donc, et Chelsea.

A son origine, en 1905, Chelsea n’était qu’un terrain de football, que le fils d’un maçon londonien, un certain H.A. Mears, s’était approprié. Mears se préoccupa ensuite de constituer une équipe : il acheta donc des joueurs, puis lorsqu’il en eut trouvé onze, s’attacha à leur dénicher des adversaires. La Football League se dit alors qu’il serait peut-être dans son intérêt d’avoir de son côté un homme aussi turbulent et un club aussi ambitieux, et, dès 1907, Chelsea était admis dans le giron des clubs professionnels anglais.
"Chelsea étonnera le monde", écrivait à l’époque un journaliste enthousiaste. Il parlait autant de l’équipe que du stade de Stamford Bridge, bâti sur le modèle des grandes enceintes écossais, et qui, dans l’esprit de Mears, devait un jour accueillir 100.000 spectateurs. Mais si Stamford Bridge hébergea, tout de suite après la guerre, trois finales de Coupe, le stade de Crystal Palace ayant été réquisitionné au lendemain du conflit comme dépôt et réserve de nourriture, jamais on n’atteignit le chiffre de 100.000 personnes dont rêvait Mears.

Il en alla de même pour Manchester United et de son stade flambant neuf, en cette année 1910. Jusque-là, Newton Heath, alias Manchester United, disputait ses rencontres sur le terrain de Clayton, dans la banlieue est de la ville. Mais rapidement, le club s’était senti à l’étroit, à Clayton, et s’était fait bâtir, à l’opposé de Manchester, un stade à la mesure de ses ambitions. Comme à Chelsea, à l’origine, "Old Trafford" était supposé accueillir 100.000 personnes, mais on limita rapidement à 70.000 devant les frais qu’entraînait l’aménagement des installations pour 30.000 spectateurs supplémentaires.

Manchester, à cette époque, jouissait déjà d’un certain prestige aux yeux de ses adversaires, que lui valaient ses deux succès en championnat en 1908 et 1911, et sa victoire en Cup 1909. Et c’est à Old Trafford que l’on choisit de faire jouer, en 1915, la finale de la Coupe, la dernière avant l’interruption due à la guerre, celle que l’on appela la "finale kaki", en raison du grand nombre de soldats en uniforme qui composaient l’assistance. Sheffield United s’y vengea de la défaite subie en 1901 contre Tottenham en battant un autre club londonien, Chelsea, pour lequel il s’agissait de la première finale, et qui n’allait pas se retrouver à pareille fête avant 1967 !

Ces dernières années de l’avant-guerre étaient entourées dun parfum curieux. On les appelait d’ailleurs "les étranges années d’hystérie". Bien que la reine Victoria fût alors décédée depuis une dizaine d’années, l’époque portait en elle tous les vestiges de l’ère victorienne. C’était le temps des suffragettes, des premières grandes grèves nationales, de l’état de guerre ouverte entre les différentes tendances politiques irlandaises, des premiers essais vers une société du bien-être, la "Welfare State", et bien sûr l’approche inexorable de la folie collective qu’allait déclencher la "Grande Guerre"... Et dans son petit monde, dans son étrange démarche, le football reflétait bien son époque. Oldham Athletic, une équipe inconnue, rata d’un cheveu le titre en 1914-1915. Il lui manqua un peu de solf-control dans le dernier match de la saison, ce dont profita finalement Everton qui, pour un point, fut champion.

En Coupe, Bristol City fut finaliste en 1909, Barnsley en 1910, et Bradford City puis Barnsley remportèrent l’épreuve en 1911 et 1912. Or, aucun de ces clubs n’avait réussi de coup d’éclat auparavant, et, jamais depuis, n’a refait parler de lui... On dut avoir recours à un deuxième match pour attribuer la Coupe en 1910, en 1911, en 1912, et en 1913, il fallut aller jusqu’à la prolongation, dont on avait institué le principe cette année-là pour éviter de rejouer le match, précisément. Or, après 1913, il allait s’écouler 58 ans avant qu’une finale soit donnée à rejouer.

Joueurs et entraîneurs paraissaient pour leur part ne pas très bien savoir à quel saint se vouer ; en 1909, l’Union Syndicale des Joueurs et des Managers s’était jointe aux syndicats ouvriers, malgré l’hostilité avouée de la "Football League" et de la "Football Association" ; mais peu de temps après, elle reprenait sa liberté, refusant de s’associer aux mots d’ordre de grève générale lancés par les "Trade-Unions". Il est vrai que les clubs avaient enrôlé, en prévision d’un arrêt de travail des footballeurs, un nombre impressionant de joueurs amateurs destinés à remplacer du jour au lendemain les "pros" dans leurs obligations, que ceux-ci n’avaient pas vu d’un très bon oeil l’arrivée de ces "remplaçants" !

La guerre survint, qui provoqua une interruption de cinq ans. Mais, dès 1920, le football reprit ses droits, et la "Football League", en absorbant coup sur coup la "Southern League" puis la "Northern League" s’agrandit brusquement, forte dès lors de 88 clubs, répartis en quatre divisions de 22 clubs. Ce qui revient à dire que dès 1921 le football anglais présentait, trait pour trait, le visage qu’on lui connaît aujourd’hui, alors qu’en France, par exemple, le championnat et le professionnalisme n’existaient même pas encore...
Source : "Le Football Britannique", par Patrick Blain, aux éditions Famot, 1979.