Le football, comme le vin, connaît certaines années exceptionnelles, ces cuvées (saisons) qui restent une référence à tout jamais. Une d'elles aura été la saison 1973. Cette année est aussi resté dans l'histoire comme celle de la première crise du pétrole, mais question football, elle mérite pourtant d'être évoquée parce qu'en Europe comme en Amérique du Sud, sont apparues cette année-là, deux équipes fabuleuses qui se ressemblaient beaucoup malgré la distance…


Toutes les deux manquaient de (véritable) passé glorieux, toutes les deux ont fait « irruption » en cette année 73 par leur jeu d’exception, toutes les deux étaient portées vers l'attaque et toutes les deux dépendaient du génie d’un joueur blond d’exception…
On n'avait peut-être jamais vu et sûrement jamais revu en Argentine un football comme celui que jouait Huracán en 1973.


Le Club Atlético Huracán qui vient de fêter son centenaire est un club modeste basé à Buenos Aires. Club du barrio de Parque Patricio, fondé en 1908, il a comme surnom « El globo » en hommage à l'exploit de l'ingénieur Jorge Newbery, qui en 1909 a volé depuis Buenos-Aires jusqu'à Bagé au Brésil à bord du ballon dirigeable Huracán..


Il a aussi un autre surnom moins agréable adressé à ses supporters : « Los Quemeros », parce que juste à côté de son stade se trouve un incinérateur où l’on brûle toutes les ordures de Buenos-Aires…


Huracán n'était jusqu’alors qu’une équipe quelconque avant cette année 1973 où il fut Champion d’Argentine ! Cette saison-là, El Globo réussit la performance de réunir trois joueurs de génie, poussant le talent jusqu’à l’extrême, trois joueurs qui donnaient à cette équipe les caractéristiques d’une formation d’exception : intelligence, imagination et folie.


L'intelligence de jeu était symbolisée par Miguel Angel Brindisi, un milieu de terrain« moderne » avant l’heure, récupérateur et distributeur à la fois, dirigeant le jeu d’une vision exceptionnelle avec assurance et maestria..


L'imagination était amenée par Carlos BabingtonEl Inglés, (l'Anglais), un buteur hors pair(126 buts en 8 saisons pour le club) trouvant toujours le placement et le geste qui lui permettait d’être au bon endroit au bon moment. Signe d’attachement, depuis 2005, il est d’ailleurs devenu le Président du Club Atlético Huracán. Et la folie venait de René Houseman, un joueur que l’on qualifierait maintenant de « joueur de couloir », un ailier droit version année 70 totalement imprévisible, au talent comparable à celui du brésilien Garrincha même si son talent est resté méconnu malgré sa participation à la victoire argentine en coupe du monde 78 (il participa notamment à la finale en entrant en jeu à la 75ème minute). Sa carrière fut écourtée du fait de graves problèmes d’alcoolismes…


Huracán c’était aussi Roque Avallay, Omar Larrosa, Alfio Basile (le futur sélectionneur Albiceleste), Jorge Carrascosa dit « el lobo » (le loup) qui en était le capitaine…


Mais les solistes (fussent-ils géniaux) d’un orchestre ne seraient rien sans un chef, un maestro pour diriger cet ensemble et il avait pour nom Luis Cesar MenottiEl Flaco qui a obtenu grâce ce titre de 73 un énorme prestige comme technicien qui le mènera ensuite à la tête de la sélection nationale argentine et à la victoire en Coupe du Monde 1978.


La même année en Allemagne (RFA), une équipe guère plus connue, récemment arrivée en Bundesliga (1965) et représentant une obscure ville ouvrière de la région de la Rurh, donnait une leçon de football aux grands clubs allemands. 


Le Borussia Mönchengladbach a plus duré dans le temps que Huracán et n'a pas été l’équipe d’une seule saison, son parcours d’exception avait commencé avant et durera presque une décennie, mais en 1973 Mönchengladbach avait atteint l'excellence !


Il y avait Vogts derrière, Bonhof et Wimmer au milieu, le jeune Stielike était alors associé à Heynckes et Simonsen en attaque et surtout, pour faire briller cet ensemble, il y avait le blond Günter Netzer, un créateur sensationnel qui avait déjà ébloui de tout son talent le championnat d’Europe 1972.


En 1970 et 1971, le Borussia Mönchengladbach est le premier club allemand à remporter deux fois d'affilée le titre de Champion d'Allemagne de l’ouest (Ex RFA) après être monté en Bundesliga pour la première fois de son histoire en 1965. Mais en 1973, le football de Mönchengladbach atteint des sommets de talents, le jeu développé par cette équipe hors norme est à son apogée ! Günter Netzer est nommé Footballeur Allemand de l'Année et en sélection nationale, après avoir été l'artisan principal du succès de la Mannschaft lors de l’Euro 72 son avenir s’annonce radieux, mais la rivalité entre joueurs du Borussia (Berti Vogts, Jupp Heynckes, Rainer Bonhof, Herbert Wimmer et Netzer) et du Bayern (Franz Beckenbauer, Gerd Müller, Paul Breitner, Sepp Maier, Uli Hoeness) alors à son paroxysme rend la situation invivable et c’est sous la pression du capitaine Franz Beckenbauer qu’il sera incroyablement écarté d’une place de titulaire alors que son talent aurait du lui permettre de devenir une légende du football européen…


En Argentine, Huracán n'a jamais plus gagné le championnat. Il a terminé second en 75 et en 76 pour ensuite s’enfoncer dans les profondeurs du classement et des divisions inférieures argentines…


En Allemagne, le Borussia a progressivement perdu plusieurs de ses joueurs majeurs (Netzer dès la fin de saison 73, Bonhof, Simonsen), mais a conservé ses ambitions jusqu'au milieu des années 80 quand s'est produit quelque chose que l’on pourrait qualifier « d’effondrement psychologique » lorsque son joueur le plus prometteur, Lothar Matthäus est passé chez l'ennemi, au Bayern de Munich ! Le Borussia n'a pas alors su relever la tête et le Bayern a vérifié que cela lui suffisait dorénavant de diminuer systématiquement ses rivaux nationaux en attirant leurs meilleurs éléments pour maintenir une hégémonie confortable…


Mais quoi qu’il en soit, malgré son palmarès, malgré ses moyens financiers colossaux, le Bayern n'a jamais pu jouer comme Huracán ou le Borussia ! Le football de haut niveau peut être obtenu avec de l’argent, le football sublime, comme celui qui a été vu en 1973, certainement pas…